C'est le seul édifice, parmi tous ceux qui ont fait l'objet des premières fouilles d'Herculanum, qui soit resté visible. Pour emporter, après la vision des quartiers désensevelis de la ville, l'impression inoubliable du travail obscur, parfois dramatique et héroïque, effectué par les premiers excavateurs au moyen de puits et de galeries souterraines, il faut visiter le Théâtre antique, qu'un éclairage électrique a rendu plus facile d'accès. Mais, plus encore que cette visite, trop partielle, les rensei­gnement fournis par les fouilles et les relevés exécutés à plusieurs reprises permettent de reconstituer, dans ses grandes lignes, cet édifice.
Il se dressait à la lisière du quartier Nord-Ouest de la ville, à proximité d'un temple et au milieu d'une zone qui, suppose-t­on, devait être reliée avec le Forum.

En conséquence, l'hémi­cycle de la cavea, au lieu d'être creusé dans le flanc de la mon­tagne, comme celui du théâtre de Pompéi, était construit, à l'exemple du théâtre de Naples et des théâtres romains en géné­ral, sur deux ordres superposés d'arcades, de 19 arcs chacun. Arcades, voûtes, entablements et colonnes étaient décorés d'un élégant revêtement de stucs et de peintures, dans le style pompéien de la dernière période.
Aux deux extrémités du portique inférieur, deux escaliers menaient au corridor de la media cavea et d'autres escaliers moins importants conduisaient à l'ordre supérieur. 

L'ensemble de la cavea comprenait Vima cavea composée de quatre gradins réservés aux sièges (subsellia) des magistrats et des premiers citoyens de la ville en raison de leurs mérites civiques, la media cavea composée de 16 gradins et divisée en six secteurs (cunei) par sept escaliers {scalaria) percés en éven­tail dans l'épaisseur des sièges, et, enfin, la summa cavea constituée de trois gradins et séparée par un parapet (balteus) haut d'environ un mètre. Au-dessus des voûtes des couloirs d'accès à l'orchestre, étaient disposées les loges (tribunalia) avec accès indépendant pour les spectateurs de marque. Etant donné que le rayon de l'hémicycle mesure moins que celui du grand théâ­tre de Pompéi (53 m. au lieu de 62) et que le nombre des sièges de toute la cavea est également moindre, on peut estimer que le théâtre devait contenir de 2000 à 2500 spectateurs au maxi­mum, ce qui constitue une proportion normale par rapport à la population de la ville, qui ne devait pas dépasser 4 à 5000 habitants.

Le mur de la summa cavea était couronné de statues en bronze plus grandes que nature et représentant des personnages impériaux ou municipaux, dont cinq seulement ont été retrouvées et sont conservées au Musée de Naples. Trois petits aedicules se dressaient également su sommet du mur, un au centre et un à chaque extrémité, formant une décoration architectonique. Ils étaient flanqués de statues équestres en bronze, dont il ne reste malheureusement que des fragments. Le devant de la scène était fastueusement décoré de marbres polychromes et rares, mais il a été mis à sac et dépouillé d'une manière vandale par le Prince d' Elboeuf. 

Les marbriers d'Herculanum ont fait appel, semble-t-il, à toutes les ressources de leur art, que nous avons pu admirer déjà dans les pave­ments et les revêtements des maisons de la ville, pour réaliser ce devant de scène qui, avec ses colonnes de jaune antique, de cipolin, de marbre d'Afrique et ses revêtements (crustae) d'albâtre, de pavonazzetto, de porphyre rouge, constitue un exemple admirable de cette éblouissante décoration chromatique, particulièrement recherchée en Campanie à cette époque. Le goût pour ce genre de décoration survivra et triomphera dans les églises et les chapelles du plus pur baroque napolitain. Le vandalisme ne s'est pas seulement attaqué aux revêtements
 de marbre du devant de la scène: il a également vidé les niches de leurs sculptures, qui ont été dispersées. Ce fut le cas no­tamment de la " Grande Herculanaise „ et de la " Petite Herculanaise ,,, qui ont émigré au Musée de Dresde.

La construction de l'édifice, comme le prouvent ses structures, date de l'époque romaine, pendant et après Auguste, tandis que sa décoration appartient aux époques de Claude et de Néron. Une inscription, qui devait se répéter plusieurs fois sur les frontispices des diverses entrées, attribue cette construction à la munificence personnelle du duumvir Lucius Annius Mammianus Rufus et au talent de l'architecte Numisius.
Après le déplorable pillage du Prince d'Elboeuf, qui a malheureusement duré trop longtemps, de 1709 à 1738, le mérite d'avoir, le premier, identifié l'édifice, et d'avoir fait cesser les déprédations, revient à De Venuti qui fit part de sa découverte, en 1738, au roi Charles de Bourbon. 

 La même année, les fouil­les par galeries souterraines étaient entreprises sous la direction d'Alcubierre, puis de Weber jusqu'en 1765 et, enfin, de La Vega jusqu'en 1777, dans la louable intention d'effectuer le relevé de l'édifice et d'en étudier l'architecture, en cherchant en même temps à le rendre accessible de façon permanente. Après plusieurs relevés, on émit diverses hypothèses sur la structure des parties encore mal connues, comme la scène et le couronnement de la cavea. Un modèle plastique, qui n'est pas dépourvu d'erreurs, fut même exécuté sous la direction de Ruggiero. Après avoir été complété et corrigé, au cours de ces dernières années, il a été exposé dans le vestibule inférieur d'accès au Théâtre.

Lorsque l'on s'enfonce dans le réseau des galeries humides qui traversent la cavea et l'orchestre, sans pouvoir se faire une idée d'ensemble, on est pris à la fois d'un sentiment d'admira­tion pour l'effort patient et héroïque des ingénieurs et des équi­pes de terrassiers qui ont percé ces galeries, et d'un sentiment de regret à la pensée qu'il aurait fallu moins de temps et moins d'argent pour libérer entièrement l'édifice de sa gangue de boue solidifiée. Ainsi, on aurait ramené au jour le plus complet de tous les théâtres antiques d'Italie. Pour acceder au théatre, il faut passer à l’exterieur des fouilles. Le theatre se situe  sous les immeubles d’un quartier populaire de la nouvelle Ercolano. 

On arrive ainsi à l'entrée supérieure du Théâtre, qui se dresse entre les maisons modernes de Resina, construites au-dessus de la cavea. Une inscription, datant de 1865, rappelle les travaux exécutés pour l'aménagement de cette entrée.
Du vestibule inférieur, on descend par un escalier de 75 marches, entièrement creusé dans le banc de tuf, compact et suintant comme un banc de pierre, jusqu'à la partie supérieure du théâtre, la summa cavea. Celle-ci est reconnaissante à la double rampe d'escalier qui débouche sur le grand ambulacrum la séparant de la media cavea. On peut la parcourir librement d'une extrémité à l'autre, c'est-à-dire entre les escaliers qui, de chaque côté, descendent jusqu'au niveau de l'orchestre. Sept vomitoria donnent accès, à travers leurs petites portes arquées, aux gradins en pierre trachytique phlégréenne, larges et commodes, de la cavea.

Sur le mur semi-circulaire qui court tout autour de la rangée supérieure, on aperçoit encore le crépi et les vestiges du revêtement de marbre primitif. L'escalier central de la cavea, éclairé par un grand puits de lumière, permet de descendre jusqu'au niveau de l'orchestre. On se trouve alors à 26m,6o au-dessous du Corso Ercolano ". En face, le front du proscenium ou avant-scène, de type courant, montre ses niches à absides et rectangulaires entièrement dépouillées de la décoration et des petites sculptures qui la décoraient .
Aux deux extrémités du proscenium, les pilastres des deux entrées principales de l'orchestre (parodoi) sont flanqués de deux socles de statues honoraires. Celles-ci n'ont pas encore été retrouvées, ayant probablement été enlevées lors des pre­miers pillages du Prince d'Elboeuf. L'un des socles porte l'inscription suivante:

m. nonio m. f. balbo pr. procos herc vlanenses

inscription qui témoigne de la reconnaissance publique pour ce Marcus Nonius Balbus, proconsul de Crète et de Cyrénaïque, un des citoyens les plus éminents d'Herculanum, dont on a retrouvé une statue équestre, avec celles d'autres membres de sa famille, dans la " Basilique „. On a également retrouvé le socle de cette statue équestre, sur lequel est inscrit un décret honoraire.
L'autre socle porte cette inscription:

ap. clavdio c. f. pvlcher cos. imp. hercvlanenses post mort(em)

dédiée à Appius Claudius Pulcher, qui fut consul en l'année 38 ap. J. C. (?) et qui devait avoir des titres particuliers à la recon­naissance des Herculanais pour mériter l'honneur insigne d'être commémoré par une statue sur le devant du proscenium.

En remontant un des petits escaliers faisant communiquer l'orchestre avec le pulpitum, on voit encore les vestiges squelettiques de la maçonnerie de la fastueuse façade architectonique de la scène, une grande porte flanquée d'un propylon dans la courbe centrale en forme d'abside, deux portes latérales et l'amorce de quelques niches rectangulaires. On a laissé par terre, à l'endroit où ils ont été retrouvés, quelques légers chapiteaux avec le kalathos à décoration végétale, qui devaient surmonter les précieuses colonnes de marbres polychromes de l'ordre architectonique supérieur. Derrière la scène, s'étendait une place à portique (porticus post scaenam) pour permettre au public de circuler, comme il y en a derrière le théâtre de Pompéi et d'autres villes. Il reste des traces de la fine décoration des pilastres et de l'intérieur des arcades

L'empreinte que les guides locaux montrent dans la boue durcie comme étant celle d'un masque de théâtre a été probablement laissée par une des statues de la scène ou du portique en tombant dans la fange encore liquide. En suivant la galerie extérieure à droite de la scène, on passe, d'abord, devant l'entrée de l'orchestre, dont les pilastres et les arcs ont conservé leur belle décoration de stucs et de peintures. Puis, par un autre passage voûté, on arrive à un des escaliers latéraux qui mènent à l' ambulacrum supérieur et, de là, à la sortie.

D'après Winckelmanpouvait contenir 35, 000  spectateurs, et d'après Ernest Breton, seulement de dix huit mille à seize mille spectateurs, chiffre qui parait s'éloigner le moins de la vérité, le grand théâtre d'Herculanum avait la forme d* un hémicycle de cent vingt cinq pieds de diamètre. Sa muraille, divisée en deux étages , reposait sur des arcades au rez-de-chaussée et au premier étage, et était pleine au-dessus. Il y a -- (mieux vaut parler au, temps présent, puisque nous supposons au, temps des deux Balbus et le théâtre prêt à recevoir des jeux scéniques) — il y a, disons nous, quinze arcades ornées de pilastres peints en rouge et en jaune , soutenant un nombre égal d' arcades et de pilastres formant le second ordre que surmonte un attique. Les arcades du rez-de-chaussée servent d'entrées, celles du premier étage ont onze fenêtres servant de niches à autant de statues, parmi lesquelles plusieurs femmes et jeunes filles appartenant à la famille Balbus. L' intérieur conserve la forme de l'extérieur. 

Au centre un espace vide en hémicycle qu' on nomme orchestre. Tout autour se courbent dix-neuf rangs de gradins, larges de 88 centimètres et hauts de 22 cent. Les cinq gradins inférieurs qui n'ont que 0,11 cent, de hauteur, sont destinés chacun a porter un bisellium. Ces gradins sont divisés en sex sections cunei par sept escaliers itinera ou scalœ formant une espèce de galerie de ceinture dite précinction pour les trois rangs de gradins supérieurs; les 16 rangs de gradins inférieurs n' ayant aucune précinction. Les gradins supérieurs sont isolés et on y arrive par des escaliers particuliers et sont surmontés d'un portique à entablement de marbre que décore un magnifique quadrige de bronze . Un seul des quatre chevaux de ce quadrige nous est resté et nous dirons dans le chapitre suivant il comment les autres furent stupidement détruits. Perte à jamais inéparable.La section du bas moins étendue que les deux  autres, part du sol de l'orchestre, ne comprend, je r ai dit, que cinq gradins et finit par un parapet  qui la sépare de la section suivante. Les entrées aux gradins ont lieu par des ouvertures ménagées de place en place sur chaque précinction. 

Ce sont des espèces de portes appelées du nom énergique de vomitoires. Il y en a sept et qui semblent petits et bas dans cet hémicycle gigantesque, bien qu'ils ne mesurent pas moins de sept pieds de large. A la ligne diamétrale de 1' orchestre commence le Proscenium ou avant-scène lieu ou les acteurs accomplissent leurs rotes. Il n' a que 7 mètres de profondeur mais vingt-quatre de largeur.L* Ouverture de la scène de San Carlo n' a que 16.m80; celle de la Scala de Milan i5.m60, seulement.   Il domine l' orchestre de cinq pieds seulement, afin que les spectateurs de cette cavca puissent mieux voir les acteurs. Le devant du Proscenium, ou plutôt le plancher s' appelle pulpitum. Dans le mur qui fait sa limite devant 1' orchestre , cinq petits renforcement son ménagés et contiennent chacun des colonnes de rouge antique supportant des fleurs et des lumières pour les représentations nocturnes. Au fond de la scène et dans toute sa largeur, s' élève la scène , muraille ornée de trois ordres d' architecture superposés, en colonnades avec des frontons, des niches , des statues. 

Elle a 42 m. de haut et, entièrement revêtue de marbres de toutes couîeurs, présente, entre des niches ornées de statues, (*3) trois portes ouvertes sur là scène. Ces statues d' ont pas été

M. NONIO M. F. BALBOPR. PRO. COSHERCULANENSES

A Marcus Nonius Balbus, fils de Marcus, préteur et proconsul, les Herculaniens. »
Sur celui de gauche:

AP. CLAUDIO. CF. PULCHROCOS. IMP.HERCULANENSES POST. MORT.

A Appius Claudius Pulcher , fils de Caius , consul et général, les Herculaniens après sa mort. »
Derrière la scène est un portique communiquant à couvert avec ceux du Forum ; ce portique est soutenu par trenta-quatre colonnes doriques de stuc; le tiers inférieur du fût est rudenté , c' est à-dire , ayant une moulure ronde remplissant les cannelures de la colonne et peint en rouge; la partie supérieure est blanche et cannelée. Comme nous consacrons un chapitre spécial aux statues trouvées dans le théâtre nous terminerons là notre description; aussi bien ne saurions nous abuser de la patience du visiteur qui pour nous lire a bravé un refroidissement « toujours funeste et si facile à attraper dans ces régions souterraines.

Description : Decumanum Maximum /Le Forum....