Ch.2: La Cité de Pompei
La Cité est bâtie sur un contrefort qui s'élève d'une quarantaine de mètres au dessus du niveau de la mer. Il est formé par une coulée de lave qui dégorgea des flancs du volcan, ou peut-être même de son cratère, aux temps préhistoriques. Sur cette première assise vinrent se superposer plus tard des couches terreuses, tuf et matériaux de nature volcanique, mêlés à des cendres et à des lapilli, qui ont en partie recouvert et adouci les aspérités de la lave primitive. Le terrain est assez inégal. Il accuse une forte pente du nord au sud, dans la direction du golfe et de la dernière partie du cours inférieur du Sarno. La coulée de lave s'étant arrêtée brusquement, elle avait formé, du côté du midi, une paroi à pic; rempart, naturel et inaccessible, qui faisait face à la mer. Seul, l'extrême secteur, vers le couchant, est en surface à peu près plane.
C'est en cet endroit que se concentrèrent le quartier du Forum et les édifices publics. Le long de la ligne de plus forte pente, due selon toute probabilité à un bras de la coulée de lave, passe l'axe routier de la " Via di Stabia „. Bien qu'il ne soit pas encore entièrement dégagé, le périmètre de l'enceinte murale est parfaitement reconnu dans toute son extension. Il suit les bords de la coulée de lave, en en contournant les arêtes dans les parties les plus élevées. Le développement complet de l'enceinte fortifiée mesure à peu près trois kilomètres deux cents mètres. La surface bâtie est d'environ 65 hectares. Le plan de l'enceinte fortifiée a dû nécessairement se plier aux exigences du terrain. De là, l'irrégularité de son dessin. Le maximum d'extension se vérifie de l'est à l'ouest, en suivant l'axe des decumani le minimum, du nord au sud, en suivant l'axe des " cardines .
La grande place du Forum n'occupe pas le centre de la ville. Elle est située dans la partie en plaine et la plus ensoleillée, c'est-à-dire dans le secteur sud-ouest, à très peu de distance des murailles et de l'une des portes de la ville, la Porta Marina. Dans l'agglomération serrée des maisons, peu d'espaces libres et encore se trouvent-ils à la périphérie et dans les zones excentriques. C'est ainsi que, sur la bordure sud-ouest de la colline, se dressait sur une petite esplanade une enceinte, consacrée au culte de Vénus, la plus honorée des divinités. De même, plus au sud, sur un palier formé par le banc volcanique, s'élevait, depuis la fin du VI* siècle avant J.-C, un temple d'architecture grecque. Plus tard, on l'entoura d'un portique triangulaire qui en fit le second Forum de la ville et que l'on relia aux Théâtres, situés en contre-bas. Enfin, vers l'extrémité sud-est, dans un angle dessiné par l'enceinte murale, on réserva un espace plus vaste pour V" Amphithéâtre „ , qu'on isola des habitations particulières.
En dehors de ces emplacements, destinés à des édifices publics, on ne trouve à Pompei que des carrefours plus ou moins spacieux, des " compita „ , aux points de croisement de trois ou quatre rues, " trivia „ et " quadrivia „. En somme, exception faite pour le Forum et ces quelques places excentriques, le plan régulateur de la ville était essentiellement formé par le réseau serré des rues.
Celles-ci étaient presque toutes tirées en ligne droite et se coupaient à angle droit. Elles se divisaient en artères principales qui correspondaient aux anciens " cardines et " decumani ,,. Toutes étaient bordées d'un trottoir, plus ou moins élevé. Quant au pavage, il était fait de blocs polygonaux en pierre du Vésuve, souvent coupés par de larges dalles afin de faciliter d'un trottoir à Vautre le passage des piétons .
MATÉRIAUX ET ÉPOQUES DE CONSTRUCTION
Au point de vue des matériaux employés dans les constructions et des principes d'architecture, Pompéi diffère des villes qui connurent, sous l'Empire, une longue période de vie et qui acquirent ainsi une physionomie uniforme. À Pompéi, l'observateur le moins attentif voit se dresser devant lui, en dépit de l'apparente uniformité des rues, les types de construction les plus variés; solennelles et massives façades d'édifices construits en pierre de taille (" opus quadratum „), extraites des dépôts alluvionnaires du Sarno ou coupées dans la masse caractéristique du tuf de Nocera; maçonneries, faites de pierre ponce, de tuf et lave (opus incertum ), dont la cohésion était assurée par un excellent mortier; maçonneries maillées (opus reticulatum) exécutées avec beaucoup de soin, à tel point que le constructeur a maintes fois mis à profit la construction pour en tirer des motifs décoratifs, de formes géométriques, en alternant le tuf avec d'autres pierres de diverses couleurs; maçonneries en briques et nombreuses façades, décorées de stucs et même de fresques, en appliquant les mêmes procédés qu'à l'intérieur des maisons.
Si l'on pénètre maintenant à l'intérieur des édifices, on ne tarde pas à distinguer des éléments très divers, aussi bien dans la structure murale que dans les parties architectoniques. Il n'est pas rare de les voir se juxtaposer et s'entremêler d'une façon inorganique. Cette disparité caractérise l'architecture pompéienne. Elle nous fournit la meilleure documentation que nous puissions avoir sur le développement de la ville. La diversité des matériaux employés et la variété dans le caractère des constructions nous retracent toute l'histoire urbanistique de Pompéi au cours des six siècles de son existence, c'est-à-dire depuis la fin du VIe siècle avant J.-C. jusqu'en l'an 79 de notre ère.
Quant aux époques, on peut approximativement les fixer de la façon suivante:
Époque Pré-Samnite (calcaire: " opus quadratum „): VI'-V' siècles av. J.-C;
Première époque Samnite (calcaire et matériaux volcaniques) ( opus quadratum et opus incertum):VI'-IIIe siècles av. J.-C;
Seconde époque Samnite (tuf): 200-80 ans av. J.-C;
Début de la colonisation romaine (" opus reticulatum „ et " quasi-reticulatum „): 80 ans av. J.-C. - 14 ans ap. J.-C;
Époque romaine et impériale (" opus mixtum „ et briques) : 14-79 ans ap. J.-C.