Ch. 11 - Organisation Militaire
A. Evolution et Composition de l'Armée romaine
Aucune nation antique n'a jamais étendu ses frontières aussi loin que la nation romaine. Aussi est-il important de prendre contact avec une armée dont la parfaite organisation permit à Rome de soumettre tant de peuples et de les maintenir sous son autorité.
1. Evolution
A l'origine, l'armée (exercitus) n'est pas un corps spécial dans l'Etat : en cas de nécessité, tous les citoyens valides la constituent d'office. Bientôt, par suite de l'extension du champ des conquêtes, Servius Tullius (578-534) ne mobilise plus que les possédants, et l'ordre de combat est basé sur la fortune : les plus riches, qui sont aussi les mieux armés, sont placés au premier rang.
Au 4me siècle av. J.-C, Camille, « le second fondateur de Rome », divise les citoyens, non plus d'après la fortune, mais d'après leur valeur combative. Au premier rang de la légion se rangent les recrues (hastati) ; au deuxième rang, les soldats éprouvés (principes) ; au troisième, les vétérans (triariï) ; enfin, des troupes légères (ventes) se répartissent au gré des nécessités. Ensemble, ils forment une légion de 4.200 hommes, groupés en 30 manipules ou 60 centuries. Une centurie ne comprend que rarement l'effectif complet.
Les combattants ne forment plus une ligne continue, mais sont disposés en quinconce (triplex acies) : les manipules de hastati laissent entre eux des intervalles derrière lesquels se placent les manipules de principes, et ainsi de suite. Cette disposition permet une très grande mobilité : à supposer que la première ligne se trouve en difficulté, elle peut se replier et former momentanément un front commun avec la deuxième.
Vers la fin du 2""' siècle av. J.-C, Marius introduit une réforme importante en admettant les prolétaires, attirés par l'appât de la solde (stipendium) et du butin. Ce nouveau mode de recrutement assure une armée permanente et bien entraînée ; il permet aussi des campagnes lointaines et prolongées.
2. Composition
Décrivons l'armée romaine telle qu'elle est conçue après la réforme de Marius.
a) Elle comprend d'abord la légion, composée uniquement de citoyens ; celle-ci se divise en :
— milites gravis armaturae ou division lourde d'infanterie : de 4.000 à 6.000 hommes, groupés en 10 cohortes (cohortes), qui se subdivisent chacune en 3 manipules (manipulï) ou 6 centuries (cen-turiae) ;
— milites levis armaturae ou velites : groupes divers de soldats légèrement armés et répartis dans les cohortes selon les besoins de la marche ou du combat ;
— équités : la cavalerie (equitatus), commandée par le praefectus equitum, est divisée en ailes (alae) de 300 à 500 hommes ; chaque aile comprend 10 turmes (turmae), comportant de 3 à 5 décuries (decuriae), groupes de 10 hommes commandés par un décurion (decurio) ;
— corps spécialisés : personnel d'administration (quaestorium), troupes du génie (fabri), service de santé, corps de transport, service de ravitaillement, compagnie de musiciens (joueurs de cor — cornicines — et de trompette — tubicines, liticines, bucinatores).
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b) Elle est renforcée de corps variés de socii, alliés latins et italiens, qui forment surtout des troupes de cavalerie.
c) Enfin, les troupes auxiliaires (auxilia), constituées de soldats non-italiques : on se rappelle spécialement les archers crétois (sagit-tarii) et les frondeurs baléares (funditores).
Comme les citoyens se faisaient de plus en plus exempter du service militaire, l'armée romaine devint une armée de mercenaires, parmi lesquels, sous le Bas-Empire, bon nombre de Barbares.
B. Reclutement et Instruction
1. Recrutement.
Le service militaire englobe en principe tous les citoyens. Les iuniores (de 17 à 45 ans) sont versés dans les troupes de choc ; les seniores (de 45 à 60 ans) forment la territoriale (Zegiones urbanae).
Les levées (dilectus) sont faites par les consuls ; un tirage au sort désigne les mobilisés. Tout déserteur est vendu comme esclave. Sont exempts de service les magistrats, les prêtres et les infirmes.
2. Instruction.
Le Champ de Mars servit longtemps de plaine de manœuvres pour « commandos », et il n'était pas rare qu'à la fin d'une journée d'entraînement, ordre fût donné de traverser le Tibre à la nage avec armes et bagages.
C. Armes et Aquipement
1. Armes.
L'armement du légionnaire comporte des armes défensives et offensives.
Les armes défensives (arma) sont : le casque de métal (cassis) ou de cuir (galea), la cuirasse en cuir avec écailles de métal (lorica), le bouclier rectangulaire (scutum) et les jambières (ocreae).
Les armes offensives (tela) sont : le glaive (gla-dius), le javelot (pilum), la lance (hasta) et la flèche (sagitta).
Le bouclier en bois couvert de cuir avait une bosse (umbo), sur laquelle les flèches taisaient ricochet.
Le javelot, arme favorite des Romains, était une arme de jet, à hampe de bois et pointe de métal (1 m. chacune). Sa portée variait de 30 à 60 m.
2. Equipement.
Le légionnaire porte une tunique (subarnale), un manteau agrafé (sagum), des souliers cloutés et à courroies (cali-gae). Le plus souvent, il est chargé de tout un fourniment (sarcinaé), consistant en vivres pour 17 jours, gamelles, pieux pour le camp, haches, bêches, scies, armes et effets personnels. Dans ce cas, on l'appelle impeditus ; au contraire, on le dit expeditus, lorsqu'il ne porte que ses armes. Outre les sarcinae ou petits bagages, il y a les impedimenta, gros bagages, transportés par chariots ou bêtes de somme.
D. Hierarchie Militaire
D'une façon générale, on appelle miles le soldat exercé, tiro, le conscrit ; dux, le commandant d'armée, imperator, le chef qui a eu les honneurs du triomphe.
Le généralissime (dux) est un consul, un proconsul ou un préteur, qu'assistent des lieutenants-généraux (ïegati). Le général en chef commande l'armée entière, y compris la marine. Sous l'Empire, c'est l'empereur qui assume les fonctions de généralissime.
Six officiers supérieurs, les tribuns militaires (tribuni militum), prennent à tour de rôle le commandement de la légion ; ils revêtent alors le paludamentum. Parmi ces officiers, on distingue les tribuni militum a populo, fils de sénateurs et de chevaliers élus par les comices tributes, et les tribuni militum rufuli, officiers expérimentés choisis par le général en chef.
"Entre les tribuns militaires et les centurions, se place un officier non combattant, le questeur (quaestor), chargé du financement et du ravitaillement de la légion."
Soixante officiers subalternes, les centurions (centuriones) commandent chacun une centaine d'hommes. Leur insigne est un cep de vigne qui leur sert à frapper les soldats. S'ils font habituellement preuve d'expérience et de bravoure, ils n'en restent pas moins des hommes frustres et durs, souvent peu aimés de leurs subordonnés. Parmi eux, le premier centurion (primus pilus) a la garde de l'aigle. Au-dessous des centurions viennent des adjudants (optiones), des porte-enseignes (signiferi), etc. Tout en bas de l'échelle, la troupe (militia caligata), qui comprend encore deux catégories distinctes de soldats : les munifices et les immunes, ces derniers étant des soldats de première classe, exempts de corvée (munus).
E. Art Militaire
1. L'armée en marche.
Quand l'armée est en marche (agmen), elle est précédée d'espions (specuîatores) et d'éclaireurs (exploratores). Suivent alors un contingent de cavalerie et de troupes légères i primum agmen), le gros des légions avec les bagages (agmen legionum ou médium agmen), enfin un dernier contingent de cavalerie et de troupes légères (novissi-mum agmen). En cas d'attaque, le gros des légions enveloppe les bagages et forme ï'agmen quadratum. L'étape (iustum iter) est de 25 km., mais il y a souvent des marches forcées (maxima itinera), qui atteignent jusqu'à 40.
2. Le camp romain.
Au soir de chaque journée, l'armée romaine en expédition établit son camp (castra ponere, munire). Ces camps fortifiés assurent aux troupes un maximum de sécurité. Comme ils se construisent d'après un plan presque immuable, les soldats acquièrent une telle habitude qu'en une bonne heure les retranchements de l'armée sont achevés.
L'emplacement est choisi par les hommes du génie ; il leur faut trouver un endroit facile à défendre et situé à proximité d'un bois et d'une source d'eau potable.
Un augure les accompagne : de son bâton recourbé (lituus), il indique l'enceinte du camp correspondant au templum céleste.
Le camp, en forme de rectangle aux coins arrondis, est entouré d'un fossé (fossa), dont la terre rejetée vers l'intérieur constitue un remblai de 3 à 4 m. de large (agger), sur lequel on établit une palissade de pieux (vallum) ; entre les tentes et le rempart s'étend un espace d'une quarantaine de mètres de large (intervallum), destiné à faciliter les déplacements et à recevoir le bétail enlevé à l'ennemi.
Les tentes (tentoria, tabernacula), adossées deux à deux sur quatre ou six lignes, s'ouvrent sur un chemin qui donne accès aux grandes artères du camp ; la via principalis et la via praetoria.
La première doit son nom au fait qu'elle longe les tentes de l'Etat-major (principes). Elle relie la porte de droite (porta principalis dextra) à celle de gauche (porta principalis sinistra).
La via praetoria, perpendiculaire à la précédente, donne sur le praetorium. Au-delà de celui-ci, elle prend le nom de via decumana et relie la porta praetoria à la porta decumana.
Chacune de ces portes est défendue par des tours et gardée par des custodes portarum, comprenant des sentinelles de jour (excu-biae) et de nuit (vigih'ae), qui se relaient de trois en trois heures.
Le centre vital du camp se situe le long de la via principalis : c'est là que se trouvent la tente du général en chef (praetorium), l'autel (ara), les étendards (signa), l'intendance (quaestorium), le lieu des assemblées (forum), le tertre (tribunal) où le général prononce ses harangues (contionem habere) et rend la justice (iura redderé). Près du quaestorium enfin, l'auguraie abrite les poulets sacrés.
Le camp romain est une véritable ville en miniature. Il est plus soigneusement organisé encore, lorsqu'il s'agit d'y passer une saison entière (castra aestiva, hiberna).
Sous l'Empire se multiplièrent les camps permanents (castra stativa), qui s'échelonnaient le long des frontières, et autour desquels se formèrent souvent des agglomérations urbaines.
3. Guerre en rase campagne.
Chaque légion en ordre de bataille (acies) forme trois rangs de cohortes (triplex acies) : celles-ci sont disposées en quinconce, de façon à faciliter certains replis stratégiques .
Après le repli des vélites, les premières lignes partent à l'assaut en brandissant les javelots (pilis infestis), puis, les lancent sur l'ennemi (pila mittere) et en arrivent enfin au corps à corps. Pendant ce temps, la réserve (triariï) attend, le genou en terre : elle n'intervient que lorsque les deux premières lignes sont enfoncées. L'expression res ad triarios venit signifie que la situation est très critique. Les légionnaires sont flanqués des alliés et des auxiliaires. La cavalerie se tient aux deux ailes (cornua) : elle a pour mission d'attaquer l'ennemi de flanc et de le poursuivre en cas de déroute.
4. Guerre de siège.
Les Romains apprirent des Grecs l'art de faire le siège des places fortes. On peut distinguer deux phases nettement différentes dans un siégé en règle : l'investissement (obsidio, obsessio) ou même le blocus (circumvallatio), et l'attaque proprement dite (oppugnatio). Pour cette seconde phase, les Romains se servent d'engins très variés : le bélier (aries), grosse poutre à tête de bélier pour enfoncer les murs ; la faux murale (faix muralis), poutre munie de faux pour disjoindre les pierres du mur ; des tours mobiles (turres), parfois à plusieurs étages (turres tabulatae), munies d'un pont-levis ; des machines à projectiles (tormenta) : la catapulte (catapulta ou scorpio), qui lance des javelots ou des traits enflammés, la baliste (ballista), qui lance des pierres ou des boulets de plomb.
Pour approcher des murs, les soldats formaient la tortue (testudo), c'est-à-dire qu'ils encastraient leurs boucliers les uns dans les autres, devant eux et par-dessus leurs têtes. Complètement protégés, ils avançaient alors vers les murs déjà entamés par les béliers et les faux murales.
F. Un Siege en Regle
Pendant des semaines, l'armée romaine a fait le blocus (obsidio) de la place forte, mais, malgré la pénurie des vivres et des munitions, l'ennemi ne capitule pas. Après avoir consulté l'augure, dont les prédictions optimistes soutiendront le moral des troupes, le général décide de procéder à l'oppugnatio longinqua. On construit un immense remblai (agger), destiné à supporter les machines : c'est l'œuvre des troupes du génie, qui travaillent en s'abritant sous des abris roulants (plutei ou vineae). Toutes les machines de guerre entrent en action : la catapulte, le scorpion, la balise ; celle-ci envoie sur la ville des blocs de pierre et des boulets de plomb. On passe alors à l'oppugnatio repentina. Les turres ambulatoriae s'avancent, bien protégées de peaux fraîches contre les menaces d'incendie. Elles arrivent au pied des murailles et, à l'étage inférieur, le terrible aries commence la démolition du mur, pendant qu'aux étages supérieurs, archers et frondeurs tirent à bout portant sur les défenseurs postés sur les murailles. C'est qu'il s'agit d'ouvrir au plus vite une brèche pour les légionnaires qui attendent de passer de la tour dans la ville. La brèche est faite, on lance les ponts volants et les « commandos » se ruent dans la ville : mais les remparts sont toujours dangereux : des abris à toit mobile (vinea) sont placés bout à bout ; les renforts arrivent, qui soutiendront les avant-gardes dans les terribles corps-à-corps. Pour hâter l'assaut, des cohortes entières s'approchent en faisant la testudo, et l'on voit un peu partout des soldats profiter du désarroi de l'ennemi pour monter les murs à l'aide d'échelles de corde (scalae) Dans une heure, la place sera prise. Demain, en actions de grâce aux dieux, on élèvera un trophée (tropaeurn), mât chargé de dépouilles de l'ennemi. Il arrive que ce trophée prenne l'allure d'un monument commémoratif.
G. Les Drapeaux
Chaque corps de troupe avait son signe de ralliement analogue à nos drapeaux, fanions ou étendards. Le signum est une lance ornée de couronnes de laurier : jusqu'à Marius, chaque manipule avait son signum et son signifer. Le vexillum, petit drapeau rectangulaire fixé au sommet d'une pique, était l'enseigne de la cohorte ordinaire et était confié au vexillarius. Mais l'aigle (aquila) était la plus noble de toutes les enseignes : emblème de la légion, elle est faite d'un bois de lance surmonté d'un plateau quadrangulaire, qui supporte un aigle d'argent poli ; cet étendard est porté par un aquilifer et confié à une cohorte plus nombreuse (cohors milliaria).
En plus de ces caractéristiques, chaque enseigne était garnie de décorations (couronnes, phalères, ...) et d'une tablette indiquant le numéro d'ordre et le nom de l'unité. Ainsi, sous l'Empire, chaque légion devint une personne morale, ayant son lieu de cantonnement et son existence propre : il lui fallait un étendard typique ; aussi vit-on apparaître des emblèmes divers (loup, sanglier, cheval).
Pour le Romain, les enseignes militaires sont de vraies divinités : dans les castra stativa, on leur consacre une chapelle, lieu d'asile inviolable, sanctuaire où sont gardés le trésor de l'armée et l'épargne des soldats ; c'est devant ce sanctuaire que l'on offre des sacrifices, que l'on reçoit les ambassadeurs étrangers, que l'on conclut les traités... Portées par les signiferi, véritables prêtres, elles prennent part aux contiones du chef et au triomphe de l' Imperator.
H. L'Armee Navale
Jusqu'en 260, les Romains n'ont pas de flotte de guerre. A cette époque, ils en construisent une d'après les plans d'une quinquérème carthaginoise. L'armée navale ne semble avoir été permanente qu'à partir d'Auguste.
1. Les navires.
Les navires de guerre appelés naves longae par opposition aux navires de commerce, qui étaient ronds, atteignaient jusqu'à 50 et 60 m. de longueur. Ils étaient munis de ponts, de grappins d'abordage (manus ferreae) et d'un éperon (rostrum), et avaient deux, trois rangs de rames superposées, parfois davantage (biremis. triremis, quadriremis). Leur tonnage ne dépassait guère 200 tonnes.
Outre ces navires de guerre, les Romains avaient des navires de transport (naves onerariae), à voiles, et des navires rapides, fins aux deux extrémités (naves liburnae). Ces derniers étaient une réplique des navires de guerre des pirates libur-niens (ancienne Illyrie).
2. Les équipages.
Le service dans l'armée navale est peu apprécié : en général, des esclaves, des affranchis, des alliés forment les équipages.
Les quinquérèmes des guerres puniques portent 300 rameurs (rémiges), 50 matelots de pont (nautae) et 120 soldats d'infanterie (clas-siariï).
Toute l'armée navale est placée sous les ordres du chef des troupes terrestres, qui assume en même temps les fonctions de praefectus classis. Sur chaque navire se trouvent un capitaine (magister navis), un pilote (gubernator) et des décurions.
3. Tactique navale.
Les Romains tentèrent et effectuèrent plus d'un débarquement. En mer, ils cherchaient à accrocher le navire ennemi et à établir un pont sur lequel s'amorçait un combat analogue à ceux qu'ils livraient sur terre.
On sait que le nom de rostres (rostra) fut donné à Rome à la tribune aux harangues, parce qu'elle était décorée avec les proues des vaisseaux de guerre pris aux ennemis. Mais le trophée naval le plus célèbre était la colonne rostrale, mémorial de la victoire navale remportée par C. Duilius sur les Carthaginois (260 av. J.-C).
Héritiers des Grecs et des Carthaginois, les Romains ne firent progresser ni la construction ni la stratégie navales et restèrent une puissance continentale.
L. Chatiments et recompenses
Dans l'armée romaine régnait une discipline rigoureuse, grâce à des châtiments et des récompenses, qui visaient en tout premier lieu l'amour-propre des soldats et des chefs.
1. Les châtiments (castigationes) allaient de la privation de solde (pecuniaria muleta) à la dégradation (militiae mutatio), et de la bastonnade (fustigatio) à la décapitation (alecapitatio).
Dans le cas où une centurie abandonnait lâchement le combat, on lui appliquait la peine de décimation (decimatio) : un soldat sur dix, désigné par le sort, était battu de verges, puis décapité.
2. Les récompenses (militaria dona) étaient, elles aussi, graduées. Elles consistaient en citations à l'ordre du jour (laudes), colliers (torques), décorations (phalerae), bracelets (ar-millae), couronnes (coronae). Ces dernières, particulièrement appréciées, n'étaient accordées que pour actions d'éclat : sauver la vie d'un citoyen dans la bataille, escalader le premier les fortifications, forcer le camp ennemi (corona civica, muralis, vallaris). Les dépassant toutes, la corona graminea était tressée avec de l'herbe arrachée au sol où une armée encerclée avait pu être dégagée : on la décernait à l'officier qui avait accompli ce haut fait d'armes.
3. Le congé des vétérans. Lorsqu'un soldat n'avait pas été renvoyé de l'armée (ignominiosa missio), il pouvait, au seuil de la vieillesse, prétendre à la retraite (honesta missio).
Comment, à ce moment, pouvait-il s'assurer une subsistance honnête ? En tait, très largement, s'il avait eu quelque sens de l'économie :
— les légionnaires touchaient une solde régulière ;
— ils participaient à la distribution du butin ( spolia) ;
— ils recevaient des dons de l'Etat ou de leurs chefs (de l'Empereur) (donativa) ;
— on faisait des retenues sur ces rémunérations, de manière à assurer une épargne, déposée près des enseignes dans un lieu inviolable ;
— occupés, en temps de paix, à des travaux publics (routes, ponts, aqueducs, ), les soldats percevaient des indemnités spéciales;
— enfin, au moment de la missio, ils recevaient un « congiaire » (con-giarium, de congius, car à l'origine, cette gratification était une mesure de froment).
Dès l'octroi de la missio, les soldats devenaient veterani : la plupart rentraient au foyer, mais certains s'installaient dans les concessions de l'Etat (ager publicus occupatorius) ou dans les colonies, où ils avaient servi pendant des années : ainsi, des groupes de vétérans furent souvent à l'origine de villes ou de bourgades de l'Empire romain. Des photographies aériennes ont révélé l'emplacement de 30.000 « centuries » rien que dans le nord de l'Afrique. Elles apparaissent sous forme de grands quadrillés de 710 m. de côté, entre lesquels des taches plus sombres correspondent à l'emplacement des cités, cités où le colon retrouvait le décor et l'ambiance de la mère-patrie.