Ch.19 : Boutiques et Magasins  

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THERMOPOLIUM. Pompéi avait, comme toutes villes, ses quartiers solitaires et ses quartiers animés. La VIe région semble avoir été particulièrement paisible. Sauf la rue consulaire qui aboutissait à la porte d'Herculanum, ses rues étaient peu fréquentées. On y circule soit devant de grandes murailles de façade derrière lesquelles se dissimulent les maisons, soit au pied de murs qui entourent des jardins. Les boutiques y sont rares et aussi les thermopoliums si nombreux ailleurs. Rue de Mercure, il n'existait qu'un seul thermopolium , mais c'est le plus intéressant de Pompéi. A son comptoir revêtu de marbre on vendait des boissons chaudes conservées dans des vases en terre. Les bouteilles, les verres, les flacons de différentes formes reposaient sur des gradins appuyés au mur à l'extrémité du comptoir. Dans un autre coin, un fourneau servait à cuisiner. Une petite salle, ouvrant derrière le comptoir, recevait les clients qui prenaient un repas ou buvaient plus longuement.

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Sur ses murs, peut-être pour acquitter ses notes, un artiste a peint les scènes de toute sorte qui d'habitude se passent dans les thermopoliums de ce genre : gens attablés et buvant et, écrits à côté d'eux, les ordres qu'ils donnent : « un peu d'eau froide » ; « encore un verre de vin de Setinum ». En haut, à des crochets, sont suspendues des victuailles : du jambon, des saucisses, du boudin, etc. ; d'autres consommateurs jouent, trichent et se fâchent ; puis des scènes de débauche. Sur le mur d'une pièce voisine, on débarque la provision de vin apportée dans un char en forme d'outre qu'on vide dans des amphores. Le thermopolium communique avec une grande maison, sans doute un hôtel, pourvue d'une salle à manger, d'une cuisine au vaste fourneau, de nombreuses chambres. Beaucoup d'hôtels ou d'auberges avaient leur débit, avec comptoir, ouvrant sur la voie publique.

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Ce n'est pas le seul thermopolium orné de peintures ou de légendes gravées sur les murs; dans un autre, deux joueurs se disputent sur un coup :  « ce n'est pas trois, mais deux » , et se battent ; le propriétaire, les pousse vers la porte, leur disant en mauvais latin : « Vous vous batté, sorté » ; ailleurs on donne cet avis : « il y a des juges à Pompéi. » Sur un mur du thermopolium tenu par Edone  on lit : « Edone dit : ici, on boit pour un as; pour deux, ou boit du meilleur ; pour quatre, tu auras du Falerne. » C'est sur les murs de ce thermopolium qu'on peignit l'affiche électorale signée par les seribibi, ceux qui boivent tard.

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Les thermopoliums ouvraient largement sur la rue comme une boutique. Un comptoir en maçonnerie revêtu généralement de plaques de marbre irrégulièrement cassées, formait la devant , des vases en terre y étaient encastrés dans lesquels on tenait à la disposition des acheteurs ou des consommateurs certaines denrées : des olives, de la saumure, de l'huile, des légumes secs, etc. Un petit foyer ménagé sous quelques-uns de ces vases permettait de conserver et de verser au consommateur des boissons chaudes ; ces thermopoliums s'appellent pour cette raison thermopolium. Quelquefois le devant du comptoir était orné de plaques de marbre bien taillées et bien symétriques ou de peintures.
Quelques-uns de ces thermopoliums sont vraiment beaux : comptoir en marbre, dans une belle salle, beau laraire, et, derrière, les pièces pour les consommateurs, à citer encore pour leur élégance.. Souvent ces comptoirs étaient attenant à un hôtel. Plusieurs gradins appuyés au mur portaient les verres et les bou­teilles que devaient présenter ces établissements, à la fois boutiques de comestibles et thermopoliums.

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Les comptoirs qui n'a­vaient que des vases, sans appareil pour les chauffer, étaient des boutiques; sans doute des épiceries, mais probablement pas des thermopoliums.
Les comptoirs sans vases d'aucune sorte appartenaient certainement à des boutiques; on chercherait en vain à spécifier quelles choses précises s'y vendaient. La rainure du seuil des boutiques où glissaient les volets de clôture était, à son extrémité, généralement interrompue, faisant place à une petite porte qui, les volets fermés, permettait l'entrée. Le musée de Pompéi conserve le moulage d'une de ces clôtures. Usée ou brisée, la rainure était en tout ou en partie, remplacée par une barre de fer. Sur le côté intérieur des montants d'une boutique deux lignes parallèles tracées à la pointe ont indiqué à l'ouvrier l'endroit précis du seuil où il devait creuser la rainure, et sa largeur____

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AUBERGES. Les auberges ou Couponae, étaient assez nombreuses à Pompéi, surtout, comme dans toutes les villes, près des portes. Deux, derrière la porte d'Hercu­lanum se faisaient vis-à-vis. La maison aux deux tricliniums et d'autres encore près de la porte de Stabies étaient des auberges, peut-être aussi les constructions découvertes, il y a quelques années, en dehors de la porte du Vésuve; on les reconnaît à la place plus grande qu'elles occupent, au nombre des chambres et des pièces communes, à la grandeur des fourneaux, aux trottoirs abaissés en pente pour donner accès aux voitures ; aux graffites inscrits sur les murs. Un client de l'une des auberges que nous venons de mentionner a écrit en vers sur la muraille la cause de son mécontentement :
Miximus in lecto, fateor; peccavimus kospes ; Si dices quare : nulla matella fuit. « Hôte, j'ai... » ; mieux vaut ne pas traduire___

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HOTELS. L'existait aussi des hôtels dans l'intérieur de la ville. Celui de Sittius, à l'enseigne de l'éléphant, avait un triclinium avec trois lits et une installation commode; du moins l'affiche le disait (IV, 1. 45). Il avait de vastes sous-sols où était l'écurie et, à l'entrée, une borne pour aider les cavaliers à monter. Non loin de là  un autre hôtel beaucoup plus grand, a, dans un vaste jardin, des cabinets particuliers. Dans une auberge de la même région , des voyageurs ont écrit sur les murs la mention de leur passage et quelquefois aussi leurs impressions :  un prétorien de la première cohorte y a passé la nuit et aussi un brave homme nommé Vibius Restitutus, désolé d'être séparé de sa femme Urbana ; C. Julius Speratus souhaite toute sorte de prospérité à Pouzzole sa patrie. Un foulon nommé Cresces fréquentait une auberge de la rue de Nola . Quand il avait bu, sa bienveillance universelle s'étalait sur les murs, sur toutes les colonnes du péristyle, " Vivent les Salinenses", écrivait-il, et ceux de Nocera et les Campanienses ; tous les faubourgs, toutes les villes voisines avaient leur tour. Il n'oubliait pas non plus ses concitoyens : Vivent les Pompéiens, ni sa corporation : Vivent les Foulons, et il signait afin que personne n'en ignore : Cresces foulon___

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BOULANGERIES. Une des industries les plus fréquentes à Pompéi est celle de la boulangerie. Dans presque toutes les îles, il y a un ou plusieurs boulangers. Les moulins occupaient la cour. Un cône plein, debout, en pierre dure, fixé sur une base immobile en formait la partie inférieure. La partie supérieure, composée de deux cônes creux réunis par leur sommet, ressemblait assez à un sablier. Le cône inférieur s'emboîtait exactement sur le cône plein et, en tournant, écrasait par le frottement le grain que l'on versait par l'ouverture du cône supérieur renversé. Deux trous percés extérieurement à la jonction des deux cônes de la partie supérieure recevaient les barres qui mettaient le moulin en action. La farine retombait sur le bord de la base qui dépassait un peu. A côté dans une salle, la table en pierre servait à façonner le pain. On peut voir, rue de Stabies  un moulin remis en état.

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Le sol du four, dallé de larges briques, était recouvert d'une calotte également en briques, sauf l'assise inférieure construite, ainsi que la bouche, en pierre dure pour mieux résister au choc de la pelle. Devant la bouche, une longue table en pierre communiquait par une ouverture avec la chambre du pétrin. L'enfourneur n'avait qu'à y présenter sa pelle pour recevoir la pâte préparée ou pour donner le pain cuit qu'il venait de retirer du four. Dans les fours les mieux établis, une chambre de chaleur protégeait la calotte et, en avant de la bouche, une cheminée emportait la fumée. Au pied du four un récipient plein d'eau servait à éteindre, quand il prenait feu, le chiffon avec lequel on nettoyait le four .
Pendant la cuisson, une plaque en tôle, munie d'une poignée, fermait les fours. Plusieurs ont été trouvées en place et, dans le four, les pains qu'on n'avait pas pu retirer, trop cuits, carbonisés même, mais ayant conservé leur forme. Quelques-uns portaient, mai avec un sceau, le nom du boulanger.

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Aux boulangeries, attenaient une ou deux boutiques de vente. Les planches, sur lesquelles étaient posés les pains avaient comme support un ressaut en maçonnerie courant tout le long du mur  ou bien des pieds en pierres . Une boulangerie considérable occupait un vaste espace dans la première région . Elle avait deux fours, des moulins, six boutiques. La boutique d'angle  avait double devanture sur la rue de Stabies et sur la rue des Diadumeni, en face du beau quartier de la rue de l'Abondance. La boutique  bien décorée, dallée en joli marbre servait sans doute à la vente des choses délicates, de la pâtisserie; dans la boutique 17 qui a deux doliums presque enfouis, on vendait la farine au détail.
Il est des boulangeries qui communiquent avec de riches maisons. Plusieurs boulangers étaient donc riches et influents, comme P. Paquius Proculus qui fut élu édile à l'unanimité. Peut-être aussi des particuliers faisaient exploiter une boulangerie par leurs esclaves et tenaient à pouvoir, de chez eux, les surveiller.

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Une boulangerie a été installée dans une maison jusque-là bourgeoisement habitée : on a surélevé, pour en faire une cuve, les bords de l' im­pluvium . Cet exemple n'est pas isolé. Dans la quatrième région, un vieux et noble péristyle en tuf a été, avec toute la maison, complètement dénaturé par un industriel qui y a établi des cuves nombreuses, des pièces sombres et voûtées, une immense armoire. C'était un teinturier ou un foulon ___ 

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FULLONES. Les foulons formaient à Pompéi une puissante corporation. Il est possible encore de suivre dans leurs usines les diverses opérations du métier. Ils  nettoyaient les étoffes en les foulant de leurs pieds nus dans des cuves séparées par des petits murs sur le haut desquels, pour sauter, ils appuyaient les mains. Une série de peintures (musée de Naples) provenant de la foulerie de la rue de Mercure représente cet exercice et les différentes manipulations : les foulons sautent sur les étoffes, les soufrent, puis les cardent et les étendent sur une cage en claire-voie sous laquelle brûle du soufre dans un réchaud . On les mettait ensuite sous presse ; une foulerie de la rue de Mercure  a conservé le corps de construction dans lequel la presse était renfermée. Dans cette foulerie et dans celle de la rue de Stabies . on a trouvé un dépôt de la terre smectique, savon naturel, avec laquelle les étoffes étaient nettoyées ; on se servait aussi, pour cet usage, d'urine ou de potasse. 

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La foulerie que nous représentons ici  est celle de la rue de Stabies ; c'est une maison particulière transformée en foulerie. Après avoir traversé son joli atrium qui a conservé l'implu­vium, la vasque, la base de la statue-fontaine et le cartibulum, on rencontre, au delà du tablinum, au lieu du jardin, les longues cuves, et les endroits où on foulait. Sur le mur de gauche une peinture représente les foulons célébrant la fête de Minerve leur patronne. Ils banquettent et boivent tant que le vin, mauvais conseillé, les met aux prises et la fête se termine devant le tribunal où comparaissent les accusés et le plaignant couvert, des pieds à la tête, de blessures.
On voit en grand nombre à Pompéi des établissements plus où moins importants où de grandes cuves en plomb ou en terre cuite reposent sur un foyer. Ce sont sans doute des teintureries. Ces établissements sont particulièrement  nombreux dans la quatrième région puis dans la sixième et dans la première ile de la cinquième région___

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OLIURUM. Dans deux boutiques de la rue du Forum  la direction des fouilles avait réuni de grands doliums en terre dans lesquels on vendait de l'huile, peut-être aussi des grains, des légumes secs, des olives___
TANNERIE. Parmi les industries pompéiennes, il faut signaler aussi la tannerie. Il y en avait une derrière le monument d'Eumachia. On la reconnaît aux sertables en pierre sur lesquelles on raclait les peaux et aux cuves où on les laissait macérer entre deux couches de tan ; la maison d'habitation était grande et luxueuse. La plus instructive tannerie de Pompéi, la plus considérable et la mieux conservée, avec ses vastes cuves au nombre de quinze, ses tables, ses distributions d'eau est située dans la première région . Celui qui est bien au courant des procédés de la tannerie peut en suivre là toutes les opérations qui n'ont guère changé depuis les temps anciens. On a trouvé dans cette tannerie des outils de métier, entre autres le tranchet et le racloir à deux mains___

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VASARIUS. C'était un usage chez les anciens de mettre des vases dans les sépultures, sans compter l'urne funéraire où étaient recueillis les ossements. Les familles qui venaient conduire le défunt à sa dernière demeure ou célébrer son anniversaire achetaient souvent, pour les déposer dans la tombe, des vases et des lampes. Aussi des ateliers de poteries s'étaient installés près des sépultures voisines de la porte d'Herculanum, à peu près à la hauteur de la villa de Diomède et du côté opposé. Une sage restauration les a sauvés de la destruction imminente. Les fours se composent d'un foyer sur lequel repose une plate-forme perforée de petits trous par où passait la chaleur du foyer et recouverte d'une calotte ; par une ouverture semblable à celle des fours du boulanger on y déposait, pour la cuisson, les vases modelés___

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CORDONNIERS. La boutique et l'atelier d'un cordonnier occupaient l'angle de deux rues. Un centurion en retraite, Caesius Blandus, avait établi là, dans une boutique lui appartenant et communiquant avec sa maison, un de ses anciens soldats qui exerçait ce métier. On a trouvé dans la boutique la table en pierre sur laquelle travaillait le cordonnier, les instruments de son métier. Lui-même avait gravé à la pointe sur la muraille le détail d'un travail qu'il avait exécuté.
On a mis au jour beaucoup d'instruments appartenant aux différents métiers: menuisiers, serruriers, maçons, etc. Ceux dont la provenance a été notée pourraient servir à reconnaître les industries exercées dans un certain nombre de boutiques. Nous avons aussi par les affiches électorales les noms de la plupart des métiers exercés à Pompéi . pour un résumé et des explications plus détaillés, l'on conseil de suivre la description de chaque Regio en détail.